CIE LES ANONYMES TP
Réflexion autour d'un théâtre populaire, ancré dans un territoire Mardi 30 avril 2014 La compagnie les Anonymes TP Implantée depuis quinze ans à Calais, la compagnie les Anonymes Théâtre Populaire revendique une démarche artistique de qualité, militante et démocratique, au plus proche du territoire et de ses enjeux, en dialogue permanent avec ceux qui y vivent et y agissent. Dirigée par Alain Duclos, la compagnie développe conjointement quatre axes de travail :
En 2013, les Anonymes TP ont débuté une résidence de trois ans au Grand Théâtre de Calais. Loin de nous replier sur l'institution, nous souhaitons profiter des moyens que nous offre cette résidence pour approfondir et assoir notre démarche d'ouverture sur la ville, en lien et en dialogue avec ses habitants. Mais cet engagement qui est le nôtre depuis si longtemps se heurte à des obstacles, en termes de reconnaissance et donc de financements et de diffusion. Il pose également des questions en matière de contenus, de formes esthétiques, de modalités d'approche et de dialogue avec l'ensemble des composantes de la population. Nous savons, pour l'avoir constaté au fil des rencontres et des collaborations, que nos difficultés, nos préoccupations et nos questionnements ne sont pas isolés, mais au contraire partagés par nombre d'autres compagnies et/ou acteurs des politiques culturelles. C'est dans ce contexte que nous nous engageons, aujourd'hui, dans une démarche de réflexion autour de ce que peut et doit être un théâtre ancré dans un territoire, se nourrissant de ce territoire et de ceux qui y vivent et produisant, en retour, des effets, une tension, une trace dans ce même territoire. Une démarche que nous souhaitons ouverte et coopérative. A l'origine de cette démarche, différents constats Nous affirmons que, comme l'écrivaient en juin 1998, Alain Grasset et Francis Peduzzi, « sans une inscription forte dans un territoire, ce qui signifie un projet pour et à partir d'un territoire, sans une attention permanente à l'ensemble d'une population, sans le souci de s'adresser et d'être entendu par ceux qui la composent, l'objet de la création artistique devient désincarné ». Mais nous observons chaque jour que l'écart s'accroit entre cette aspiration à la décentralisation, à la démocratisation culturelle et la réalité du terrain.
Des principes fondateurs ► Un théâtre inscrit dans un lieu et dans la durée Comme Franck Lepage, nous pensons que « balancer du fumier culturel sur la tête des pauvres pour les faire pousser » est un leurre. Pour autant, nous ne renonçons pas à l'ambition politique d'une démocratisation culturelle. Nous ne nous résignons pas à constater la fracture avec une part importante et croissante de la population. Nous ne cessons pas d'affirmer la nécessité absolue d'aller au-devant des publics, à la rencontre et à l'écoute de ceux qui vivent là où nous travaillons. Nous ne renonçons pas à interroger ce territoire et ceux qui y vivent, à nouer une relation avec l'ensemble de la population. Au contraire, nous revendiquons et expérimentons, au quotidien, une autre façon de fabriquer le théâtre. Nous défendons le passage d'une notion de 'diffusion culturelle' à un travail 'd'infusion' culturelle, qui réinscrit le geste artistique dans un contexte, dans un territoire et dans la durée. Nous affirmons que la notion de relation, de lien, d'ancrage dans la société locale représente le fondement et la raison d'être de notre démarche artistique. ► Un théâtre de la résistance Le statut social des comédiens a profondément changé depuis les années où les 'artistes' dramatiques allaient au peuple (voir Copeau, Dullin, et les prémisses de la décentralisation). Mais tout autant, il a profondément changé depuis les années où cette profession était le marqueur social de la bourgeoisie, quand la culture était le dernier ascenseur social (les années Lang). Être comédien, aujourd'hui, ce n'est plus qu'être un spécialiste d'un artisanat comme un autre, en butte aux mêmes difficultés et au même marché que les autres. Engagé, à ce titre, dans les mêmes stratégies de survie dans un système capitaliste triomphant qui, toujours, privilégie la rentabilité financière et l'endormissement, l'abrutissement des masses. Alors, quel choix ? Pour les comédiens, pour les compagnies. Devenir les bouffons de l'entertainment, tenter de s'intégrer dans le système, tout en arborant les hochets de la soumission. Peopolisation... promotion... dérision... médiatisation. Se contenter d'être les laquais en attendant le casting, en espérant être reconnu. Faire le buzz ? Ou résister. Utiliser les armes de l'ennemi. Permettre à tous de mettre à nu, de détourner les ruses des communicants, les manipulations. Échanger les savoirs, les expériences avec ceux qui survivent. Faire œuvre d'éducation populaire en ayant toujours en tête que, à l'opposé de tout messianisme, celle-ci ne peut être qu'échange. Qu'il n'existe pas de modèle à transmettre mais un présent à interroger ensemble et à dynamiter. Déserter la place de l'artiste autonome, surplombant, celui qui sait et fait l'opinion. Revendiquer la place de l'ouvrier-théâtre, le 'théâtrier', dans un territoire. Vivre et travailler avec. Dans ces lieux de la marge, petites villes, campagnes, banlieues, où vivent tous ceux qui partagent le concret de la vie. Hors des mégalopoles culturelles qui ne sont plus que des vitrines pour les industries du divertissement, réinvestir les quartiers, les espaces périphériques, les interstices. Inventer ensemble une culture de la lutte. ► Un théâtre de la démocratie en action La démocratie n'est jamais acquise. L'histoire nous l'a démontré plus d'une fois et nous le montre encore. Elle ne peut exister sans être sans cesse questionnée, remise en cause, travaillée au corps par les hommes. Pour cela, chacun doit pouvoir comprendre comment notre démocratie a fonctionné et comment, aujourd'hui, elle fonctionne. Quels en sont les rouages ? Qui dispose du pouvoir ? Qui en est exclu ? C'est à cette condition que chacun peut être partie prenante du monde dans lequel il vit, que chacun peut être réellement citoyen. Sans une éducation politique, sans une mise en questionnement, en débat, du monde, il ne peut y avoir de fondement stable, de ciment à notre communauté humaine. « Les œuvres d'art, mais pas seulement, sont ou devraient être le miroir réfléchi et réfléchissant, qui permette à la société de se regarder, conforter le vivre-ensemble et se mettre constamment en question », écrivaient Francis Peduzzi et Alain Grasset. Nous les suivons entièrement dans cette voie. Le théâtre permet, par la représentation vivante des échanges humains, de décortiquer, d'appréhender, de ressentir, de comprendre, d'analyser ce qui fait les hommes et leurs société. Le théâtre, quand il est bien fait, rend la complexité des sociétés, des relations que nous entretenons avec les autres, mais aussi avec nous-mêmes, notre intimité, nos états d'âme. Il met à nu, comme le chirurgien dissèque un corps, les maillages, les rouages qui inhibent, qui annihilent, qui détruisent le collectif. Ce faisant, il éveille à la conscience politique, celle qui donne le sentiment d'appartenir au groupe, celle qui fait citoyen, avec l'envie de vivre ensemble et d'agir sur le monde et avec le monde. Cela n'exclue pas les moments de colère, de clash, d'incompréhension, de crise. Cela les transforme en énergie agissante. Tant de questions Mais alors, nous nous interrogeons. Forts de nos expériences, forts des rencontres avec d'autres qui, sur d'autres territoires, mènent des expériences similaires, et face aux problématiques que nous affrontons, nous nous demandons. Que peut être, que doit être aujourd'hui un théâtre que l'on pourrait qualifier de 'démocratique', à défaut de 'populaire' (terme qu'il faudrait interroger et préciser) ? Quel rôle une compagnie a-t-elle à jouer dans un territoire ? Quel dialogue peut-elle nouer avec la diversité de ceux qui y vivent et/ou y agissent ? Comment le théâtre se nourrit-il de la société et que produit-il sur cette même société ? Quelle place occupe-t-il et quelle relation entretient-il avec l'industrie de divertissement ? Et de cette interrogation fondamentale en découle tant d'autres. Il nous faut en pratique, prendre en considération et tricoter ensemble trois approches indissociables. ► Une approche sociologique qui vient questionner la capacité d'un théâtre dit 'populaire' à nouer une relation avec l'ensemble d'une population dans un contexte donné Comment fabriquer un théâtre qui ne s'adresse pas à un groupe sociologique donné mais à tous, en rendant possible des échanges, des confrontations ? Comment aborder cette question du 'mélange' des publics, pouvoir intéresser à la fois les spectateurs 'traditionnels', les 'assidus' des lieux de diffusion et mais aussi tous les autres, ceux qui ne vont jamais au théâtre et parmi eux, ceux qui ne pensent pas comme nous.
► Une approche politique qui vient réinterroger le théâtre dans ses liens à la pratique démocratique
►Une approche esthétique qui pose la question des langages et des formes, mais aussi des lieux et des temps de la représentation, de la transmission, du rapport aux pratiques amateurs...
III – Une réflexion et que nous souhaitons collective et qui doit déboucher sur des actions concrètes Toutes ces questions, nous souhaitons les partager avec d'autres. Nous souhaitons les confronter aux regards, aux expériences, aux pratiques d'autres. Nous souhaitons les nourrir de la parole de nos pairs, metteurs en scène, comédiens, mais pas seulement. Représentants des politiques et institutions culturelles, mais aussi acteur du monde de l'action sociale, de l'éducation populaire, citoyens, aguerris ou non au spectacle vivant, le chantier est ouvert pour ensemble construire et défendre notre théâtre. Il nous semble aujourd'hui indispensable et urgent de prendre la parole, de produire un argumentaire pour défendre et faire valoir un théâtre 'démocratique', en dialogue et en interaction permanente avec les populations dans les territoires. Mais nous ne voulons pas produire une contribution de plus. Si nous portons une ligne politique claire, si nous souhaitons l'affiner, l'amender, la partager, c'est avant tout du concret que nous voulons construire : des façons de faire, des façons d'être.
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Olivier Donnat est sociologue au ministère de la culture. Il est un loup dans la bergerie, l'ennemi de l'intérieur, le gars qui casse le moral, fait tomber les illusions. Et les deux études qu'il vient de publier, sur le -livre et la musique, ne vont pas arranger sa réputation. Le problème est que ce qu'il écrit depuis trente ans est exact. Ce qu'il a prophétisé s'est vérifié. Ce qu'il annonce est inquiétant.
En spécialiste des pratiques -culturelles, il a montré que les milliards investis par l'Etat pour construire musées, opéras, théâtres, salles de spectacle ou -bibliothèques, n'ont servi qu'à un Français sur deux – aisé, diplômé, Parisien, issu d'un milieu cultivé. Ceux qui restent à la porte, souvent aux revenus modestes, s'en fichent ou pensent que cette -culture axée sur les traditionnels " beaux-arts " est déconnectée de leurs envies. Ce constat, on le lit dans l'enquête sur les pratiques culturelles des Français que le ministère publie tous les dix ans. Olivier Donnat a piloté celles de 1989, 1997 et 2008. La prochaine est pour 2019, qui se fera sans lui – il part à la retraite dans deux mois. Et devrait être tout autant déprimante. Car ce qu'a montré notre sociologue, c'est que le fossé se creuse. La construction frénétique de musées ou de théâtres en trente ans a provoqué une forte augmentation de la fréquentation, mais ce sont les aficionados qui y vont plusieurs fois, tandis que les ouvriers et jeunes de banlieue y vont moins. C'est dur à entendre, car l'Etat culturel s'est construit sur l'illusoire thèse du ruissellement : plus l'offre culturelle sera riche, plus elle sera partagée par tous. Aussi le ministère et les créateurs ont longtemps nié cette étude. " Il y a eu des tensions, se souvient Olivier Donnat. J'ai été vu comme un rabat-joie, on me disait que j'avais tort. " ContradictionAujourd'hui, cette dure réalité est acceptée puisque les cinq derniers ministres de la culture ont fait du combat pour la diversité des publics leur priorité. Mais -Olivier Donnat a montré que, dans les faits, rien n'a bougé. D'abord parce que ça se joue ailleurs, dans la cellule familiale, à l'école aussi – deux foyers d'inégalités. Mais un obstacle se trouve au sein même du ministère de la culture, armé pour soutenir son offre prestigieuse, très peu pour capter un public modeste. Olivier Donnat pointe aussi une contradiction : " Nos grands lieux culturels visent logiquement l'excellence. Sauf que l'excellence conduit à privilégier des créations exigeantes auxquelles les personnes les plus éloignées de la culture ne sont pas préparées. Parler à ces personnes est très compliqué. La Philharmonie de Paris y parvient en décloisonnant les genres musicaux. " Prenons le contre-pied. La France se doit d'avoir les meilleurs musées, opéras ou théâtres, tant mieux pour ceux qui aiment, et tant pis pour les autres. On ne va pas fermer ces lieux qui contribuent au prestige de la nation et dopent le tourisme. Et puis sans ces équipements, la situation -serait sans doute pire. Enfin, pourquoi vouloir qu'une pièce novatrice, un film expérimental et un art contemporain pointu plaisent à tous ? Sauf que cette offre est financée avec de l'argent public et qu'au moment où les fractures sociales n'ont jamais été aussi fortes, une telle posture est jugée élitiste et a du mal à passer. Ajoutons qu'il existait dans les années 1960 à 1980 un riche tissu culturel local (MJC, associations) qui, en trente ans, a été broyé sans que l'Etat bouge le petit doigt au motif qu'il n'est pas de son ressort, alors qu'en fait il le méprise. Ce réseau avait pourtant l'avantage d'offrir aux jeunes un premier contact avec la culture. En pot de départ, Olivier Donnat nous confie que le pire est à venir. Car les plus gros consommateurs de notre culture d'Etat sont les baby-boomers – ils ont du temps, de l'argent, lisent beaucoup, vont intensément au spectacle. Sauf qu'ils ont 60 ans et plus. " Dans dix ou vingt ans, ils ne seront plus là, et nos études montrent qu'ils ne seront pas remplacés ", dit Olivier Donnat, qui annonce un avenir noir pour le théâtre classique ou contemporain, les films français d'auteur ou la lecture de romans. Le numérique, dont les jeunes sont familiers, peut-il favoriser la démocratisation culturelle ? Eh bien non, répond Olivier Donnat avec ses ultimes études sur " l'évolution de la diversité consommée " dans le livre et la musique (à télécharger sur le site du ministère de la culture ou sur cairn.info). L'offre en livres et en musiques a pourtant considérablement augmenté en vingt-cinq ans. Mais les ventes baissent. Et puis, qui en profite ? " Le numérique, porté par les algorithmes et les réseaux sociaux, ouvre le goût de ceux qui ont une appétence à la culture, mais ferme le goût des autres, qui, par exemple, ne regardent que des films blockbusters ", explique Olivier Donnat, qui en conclut : " Le numérique produit les mêmes effets que les équipements proposés par l'Etat : ce sont les milieux aisés et cultivés qui en profitent. " Olivier Donnat prolonge la déprime en décryptant les ventes de livres et de musiques. Tout en haut, les heureux élus sont moins nombreux et à la qualité incertaine – best-sellers pour les livres, compilations pour les CD. Tout en bas, et c'est récent, le sociologue constate une hausse phénoménale de livres et musiques pointus, vendus à moins de 100 exemplaires ou à moins de 10 exemplaires. Et au milieu, il y a quoi ? Des paquets d'œuvres souvent de qualité, dont les ventes sont également en baisse, noyées dans la surproduction. Ces œuvres du " milieu " font penser aux films " du milieu ", ainsi nommés quand ils étaient fragilisés, coincés entre les blockbusters et les films marginaux. Les œuvres du milieu, qui définissent une " qualité française ", forment justement le cœur de cible du ministère de la culture. Elles seront demain les plus menacées. Déprimant, on vous dit. Stanislas Nordey : « L’Etat subventionne d’abord le spectateur »
Propos Recueillis Par F. Da. Nommé au printemps 2014 directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), Stanislas Nordey a pris ses fonctions en septembre 2014. Son mandat actuel court jusqu’en septembre 2019, mais le ministère devrait annoncer rapidement son renouvellement, au vu de la reconnaissance dont fait l’objet son action à la tête de l’institution alsacienne. Pourquoi avoir choisi de ne pas commémorer les 50 ans du TNS, mais plutôt d’envisager l’avenir ? En octobre 2017, j’ai participé aux manifestations pour les 70 ans de la décentralisation théâtrale à Colmar, et j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de funèbre et d’inquiétant dans ces célébrations. Je me suis dit qu’il serait sans doute plus enthousiasmant, aujourd’hui où nous souffrons dans nos métiers d’une absence de politique de l’Etat, de prospective, de se projeter dans l’avenir, et de le faire de manière collective. Et de se projeter à 50 ans, la même durée que celle qui est passée pour ce théâtre. Et puis 2068 résonne évidemment avec 1968, et son parfum d’utopie. Vous a-t-il a semblé nécessaire de mener cette réflexion de manière collective ? Oui, en compagnie du personnel du théâtre, des élèves de l’école du TNS, qui ont entre 18 et 25 ans et vont donc inventer le théâtre de demain, des artistes, des spectateurs et même des « non-spectateurs », ceux qui ne viennent pas au théâtre. J’avais envie de solliciter tout le monde sur une part de réel mais aussi d’imaginaire. L’enjeu, l’ambition, c’est d’inventer un outil qui ne serve pas uniquement au TNS, mais à l’ensemble du théâtre public. Que l’on apporte notre pierre à cette réflexion sur la décentralisation qu’il va falloir mener, et que cette première pierre soit posée par le seul théâtre national installé en région, il me semble que cela a un sens. Beaucoup de jeunes artistes de théâtre d’aujourd’hui semblent rejeter l’institution. Comment l’expliquez-vous ? En même temps, je sursaute quand j’entends les Julien Gosselin, Sylvain Creuzevault ou Caroline Guiela Nguyen dire qu’ils ne veulent pas de l’institution. Car ils en sont les enfants, ils ont été nourris par elle. J’ai donc plutôt envie de les pousser à être une force propositionnelle, qu’ils réfléchissent à la manière de faire évoluer ces outils. C’est important qu’ils se rendent compte du pouvoir qu’ils ont de faire avancer ces institutions inventées dans l’après-guerre. En quoi ces outils peuvent-ils être encore valides ? Jean-Pierre Vincent, qui a dirigé cette maison de 1975 à 1983, dit une chose que je trouve formidable : que tous ceux qui critiquent la décentralisation en affirmant un peu vite qu’elle s’est endormie oublient ce qu’était le théâtre en 1945. On reproche au théâtre aujourd’hui d’être principalement investi par les classes moyennes, et pas par les classes populaires. C’est un constat réel, mais on oublie qu’avant, les classes moyennes n’allaient pas dans le théâtre d’art. Ce qui s’est gagné dans ces cinquante ou soixante dernières années, c’est cela, et c’est quand même une victoire énorme. Ce système du théâtre public français est-il menacé ? Oui, c’est une évidence : il règne en ce moment une certaine illusion qui voudrait que l’on puisse accomplir le même travail dans un système privé, ce qui est tout simplement faux. On oublie souvent de dire que quand l’Etat subventionne la culture, il subventionne d’abord le spectateur, avant les artistes. Il faut donc être inventif, pour adapter ces outils précieux à l’évolution du monde. " Fais-ci ! Fais-ça ! Fais comme si ! Fais pas comme ça ! Comme si vous pensiez pouvoir faire mieux que moi ! Par politesse, je vous écoute mais je ne vous parle plus, je ne vous répond plus. Vous n'écoutez pas. Enfin, je ne sais pas, on vit dans la même maison alors pourquoi vous décidez à ma place de mon avenir. " Ah oui mais couvre-toi sinon tu vas attraper froid, il faut faire attention ! " Mais, euh... Attendez, vous me dites de faire attention au vent ou à moi ? Elle rit Me méfier du vent ! Et du soleil ! De la pluie froide ou chaude ! Me méfier des nuages gris ou du brouillard ! Rire Faire attention à moi... Vous voulez prendre soin de moi ? Alors si c’est vrai pourquoi vous faites pas attention à la planète ? C’est notre maison. Fais ce que je dis pas ce que je fais. ça oui merci pas besoin de le dire je l’avais deviné. Oui, je sais, oui je sais, je sais je sais je sais ". Je ne suis qu’un enfant Il crie (à deux voix) j'ai moins de valeur qu'un adulte... je sais mais je sais aussi que si tout l’argent pour les guerres servait pour l’environnement, la planète ne serait plus malade ! Et les adultes ne seraient plus malade... Et je ne serai plus malade moi non-plus? Tempête. Orage. Explosion. On se pollue l'air et on s'empoisonne ! On mange des fruits et des légumes malades ! Des animaux naissent mais ne vivent pas, jamais ils ne sortent de leurs cages pour sentir la chaleur du soleil sur leur peau, la douceur du vent et ses sons. Vous n'écoutez pas le bruit du vent à travers les feuilles et vous voudriez faire semblant de m'écouter ? De toute façon, vous ne comprendriez pas. Comment vous pouvez être si égoïste ? J'écoute et je réfléchi moi aussi et quand je vois comment vous ne m'écoutez pas, je me demande de quelle manière vous pouvez réfléchir. Elle panique
Elle soupire et parle aux cailloux. Même mon institutrice me paraît... à l'ouest ! Enfin, je veux dire, à quoi ça nous sert d'apprendre le nom des animaux, savoir ce qu'ils mangent et ce dont ils ont besoin pour vivre si demain ils seront tous morts ? Ca fait peur Comment je vais faire pour respirer sans devenir malade ? Manger des fruits et des légumes empoisonnés ! Et manger des lapins, des cochons, des chevaux... C'est écoeurant !... On les gave et y a des gens qui meurent de faim, d’autres de trop manger… J’en ai marre. Je ne veux plus... Autant se manger entre nous. Pourquoi vous ne voulez pas écoutez, pourquoi vous ne voulez pas voir, pourquoi vous ne voulez pas entendre. Parce que vous avez peur ? Et je crois que vous avez peur, que mes parents aussi ont peur. Enfin, je crois, parce qu'ils me le cachent. Alors je fais en sorte qu'ils aient peur pour moi. J’en ai marre. Je crois que c'est la même peur que nous avons tous. Ils ne veulent pas me montrer qu'ils ont peur. Sauf que je les vois s'énerver, crier et pleurer... J'ai peur aussi, je ne sais pas comment l'expliquer... Au fond, c'est ridicule d'avoir peur... Quand j'ai peur... j'ai envie d'un câlin. Etre l’immobile toute ma vie. Je voudrais aller à l’arbre chez papi au début de la forêt. Vous pouvez vous endormir en vous disant que vous faites du mieux que vous pouvez ? Bâille Comment je m'appelle, qui je suis et qu'est-ce que je fais ? Je n'ai pas faim, et demain ? Il sanglote et s'endort. Loramay Meteyer Carole Huot Avec un singe sur l'épaule, chanteur de rue. Le fantasme "sans famille"... Le mythe des amitiés viriles, de l'aventure où rien n'aurait de conséquences.
« Première ambition : développer un service universel de l’enseignement artistique. Pratiquer un art - faire de la musique, du théâtre, de la danse, du dessin … - doit devenir un pilier de l’éducation de nos enfants, au même titre que lire, écrire ou compter. Les artistes et les institutions culturelles ne demandent qu’à s’engager. Ils sont déjà nombreux à le faire. Ouvrons-leur en grand la porte des écoles pour changer notre modèle scolaire. L’enseignement agricole a su montrer la voie dès les années 60 en instaurant dans tous les diplômes une nouvelle discipline, l’éducation socio-culturelle, et en donnant à ses professeurs un tiers temps pour monter notamment des projets avec des artistes et des structures culturelles. Tous les programmes scolaires, de la maternelle au lycée et dans toutes les filières, doivent emprunter ce chemin.
Deuxième ambition : combattre les ségrégations sociales et géographiques. Il faut ouvrir une nouvelle page de la décentralisation culturelle, battre en brèche l’entre-soi parisianiste et valoriser davantage les initiatives artistiques territoriales. Mon ministère dépense aujourd’hui dix fois plus en région parisienne que dans le reste de la France. J’ai commencé à rééquilibrer les efforts budgétaires cette année et j’ai pris une série de mesures pour renforcer le soutien à ceux qui s’engagent dans les zones rurales, les villes moyennes, les quartiers. Je ferai cet automne un premier bilan des politiques engagées, pour prolonger le mouvement en 2019. Troisième ambition : réinvestir la politique culturelle pour la jeunesse. Nos critères de soutien sont caducs. Il est urgent de moderniser les grilles de subventions du ministère de la Culture. L’offre culturelle plébiscitée par les nouvelles générations, ces projets expérimentaux, tiers-lieux, espaces hybrides, qui sont à la croisée des genres et des disciplines sont aujourd’hui les laissés-pour-compte du budget du ministère de la Culture. Demain, ils seront soutenus. Réinventer la politique culturelle pour la jeunesse, c’est aussi accompagner davantage les labels, les musées, les structures qui offrent à la jeunesse des espaces de création, proposent des formations, ouvrent des répétitions, organisent des rencontres avec des artistes. Réinventer la politique culturelle pour la jeunesse, c’est enfin la projeter à l’échelle européenne. Je souhaite porter le projet d’Erasmus de la culture avec les labels volontaires en soutenant tous les partenariats qui favoriseront la formation et la circulation et les échanges des jeunes à travers l’Europe. » Il est certes réjouissant de pouvoir répondre à Madame le ministre de la culture nous le faisons ! Le travail de la compagnie « les anonymes tp » depuis sa création est un va et viens permanent entre création (contemporaine ou de répertoire), et rencontres, ateliers, recueils de témoignages, animations, école du spectateurs… Oui nous le faisons comme la plupart des compagnies en France. Nous sommes avec. Avec notre territoire, avec les élèves et étudiants, avec tous ceux qui sont en souffrance victime de l’ostracisme culturel ou sociétal, avec. Avec ! Oui, mais ce travail à un coût. En premier lieu il nous coupe du réseau des distributeurs. Donner la parole à des gens qui ne fréquenteront même pas leur salle, reconnaître un travail de terrain dans ce qu’il a de laborieux, de lent, de fragile, voilà ce qui apparait trop souvent superfétatoire. Souvent englué dans une approche romantique de ce qu’est un créateur, le travail acharné du théâtrier, de l’artisan animateur de théâtre, peut paraître peu valorisant. Ce travail à un coût mais bien loin de celui de l’inculture, bien loin des ravages de l’entre soi et de la rupture d’une société entre ceux qui possèdent les armes de la parole et ceux à qui tous les jours font perdre un peu de force et de dignité. Ce travail a un coût, mais il est vital tout autant que notre travail de créateur. Equilibre complexe mais responsable, indispensable et qui justifie pleinement notre demande d’aide fonctionnement. Certes nous regrettons le désengagement de l’état que laisse supposer les paroles de Madame le ministre, le recours constant aux collectivités locales pour jouer les pompiers de service. Mais si nous en faisons le constat nous savons aussi que c’est dans la collaboration avec tous les services de la région, des communautés, des municipalités que nos projets aboutissent, vivent. Et nous savons par l’action l’urgence du maintien de leur existence. Ce travail à un coût, il entraine un budget de fonctionnement plus lourd et qui devrait être pérenne et voilà pourquoi simplement nous formulons notre demande d’aide au fonctionnement. Tribune. Quelques jours après la démission de Nicolas Hulot, nous lançons cet appel : face au plus grand défi de l’histoire de l’humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d’être sérieux.
Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien. Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique. Pas trop tard pour éviter le pireIl est trop tard pour que rien ne se soit passé : l’effondrement est en cours. La sixième extinction massive se déroule à une vitesse sans précédent. Mais il n’est pas trop tard pour éviter le pire. Nous considérons donc que toute action politique qui ne ferait pas de la lutte contre ce cataclysme sa priorité concrète, annoncée et assumée, ne serait plus crédible. Nous considérons qu’un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux. Nous proposons le choix du politique – loin des lobbys – et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront. C’est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire. De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené. Je n'ai pas l'habitude d'appeler à manifester mais transformons cet appel en un immense mouvement citoyen. La terre se meurt, .Tous ensemble nous pouvons avoir un poids sur ceux qui nous gouvernent, leur faire peur, les obliger à prendre leurs responsabilités... Nous savons que déjà il est tard, Balayons les lobbies.
Agissons en dehors de tous partis, classifications, archétypes médiatiques. Venez ce samedi 8 septembre à Lille sur la grand place à 15h |
AuteurAlain Duclos Archives
Janvier 2019
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