CIE LES ANONYMES TP
Réflexion autour d'un théâtre populaire, ancré dans un territoire Mardi 30 avril 2014 La compagnie les Anonymes TP Implantée depuis quinze ans à Calais, la compagnie les Anonymes Théâtre Populaire revendique une démarche artistique de qualité, militante et démocratique, au plus proche du territoire et de ses enjeux, en dialogue permanent avec ceux qui y vivent et y agissent. Dirigée par Alain Duclos, la compagnie développe conjointement quatre axes de travail :
En 2013, les Anonymes TP ont débuté une résidence de trois ans au Grand Théâtre de Calais. Loin de nous replier sur l'institution, nous souhaitons profiter des moyens que nous offre cette résidence pour approfondir et assoir notre démarche d'ouverture sur la ville, en lien et en dialogue avec ses habitants. Mais cet engagement qui est le nôtre depuis si longtemps se heurte à des obstacles, en termes de reconnaissance et donc de financements et de diffusion. Il pose également des questions en matière de contenus, de formes esthétiques, de modalités d'approche et de dialogue avec l'ensemble des composantes de la population. Nous savons, pour l'avoir constaté au fil des rencontres et des collaborations, que nos difficultés, nos préoccupations et nos questionnements ne sont pas isolés, mais au contraire partagés par nombre d'autres compagnies et/ou acteurs des politiques culturelles. C'est dans ce contexte que nous nous engageons, aujourd'hui, dans une démarche de réflexion autour de ce que peut et doit être un théâtre ancré dans un territoire, se nourrissant de ce territoire et de ceux qui y vivent et produisant, en retour, des effets, une tension, une trace dans ce même territoire. Une démarche que nous souhaitons ouverte et coopérative. A l'origine de cette démarche, différents constats Nous affirmons que, comme l'écrivaient en juin 1998, Alain Grasset et Francis Peduzzi, « sans une inscription forte dans un territoire, ce qui signifie un projet pour et à partir d'un territoire, sans une attention permanente à l'ensemble d'une population, sans le souci de s'adresser et d'être entendu par ceux qui la composent, l'objet de la création artistique devient désincarné ». Mais nous observons chaque jour que l'écart s'accroit entre cette aspiration à la décentralisation, à la démocratisation culturelle et la réalité du terrain.
Des principes fondateurs ► Un théâtre inscrit dans un lieu et dans la durée Comme Franck Lepage, nous pensons que « balancer du fumier culturel sur la tête des pauvres pour les faire pousser » est un leurre. Pour autant, nous ne renonçons pas à l'ambition politique d'une démocratisation culturelle. Nous ne nous résignons pas à constater la fracture avec une part importante et croissante de la population. Nous ne cessons pas d'affirmer la nécessité absolue d'aller au-devant des publics, à la rencontre et à l'écoute de ceux qui vivent là où nous travaillons. Nous ne renonçons pas à interroger ce territoire et ceux qui y vivent, à nouer une relation avec l'ensemble de la population. Au contraire, nous revendiquons et expérimentons, au quotidien, une autre façon de fabriquer le théâtre. Nous défendons le passage d'une notion de 'diffusion culturelle' à un travail 'd'infusion' culturelle, qui réinscrit le geste artistique dans un contexte, dans un territoire et dans la durée. Nous affirmons que la notion de relation, de lien, d'ancrage dans la société locale représente le fondement et la raison d'être de notre démarche artistique. ► Un théâtre de la résistance Le statut social des comédiens a profondément changé depuis les années où les 'artistes' dramatiques allaient au peuple (voir Copeau, Dullin, et les prémisses de la décentralisation). Mais tout autant, il a profondément changé depuis les années où cette profession était le marqueur social de la bourgeoisie, quand la culture était le dernier ascenseur social (les années Lang). Être comédien, aujourd'hui, ce n'est plus qu'être un spécialiste d'un artisanat comme un autre, en butte aux mêmes difficultés et au même marché que les autres. Engagé, à ce titre, dans les mêmes stratégies de survie dans un système capitaliste triomphant qui, toujours, privilégie la rentabilité financière et l'endormissement, l'abrutissement des masses. Alors, quel choix ? Pour les comédiens, pour les compagnies. Devenir les bouffons de l'entertainment, tenter de s'intégrer dans le système, tout en arborant les hochets de la soumission. Peopolisation... promotion... dérision... médiatisation. Se contenter d'être les laquais en attendant le casting, en espérant être reconnu. Faire le buzz ? Ou résister. Utiliser les armes de l'ennemi. Permettre à tous de mettre à nu, de détourner les ruses des communicants, les manipulations. Échanger les savoirs, les expériences avec ceux qui survivent. Faire œuvre d'éducation populaire en ayant toujours en tête que, à l'opposé de tout messianisme, celle-ci ne peut être qu'échange. Qu'il n'existe pas de modèle à transmettre mais un présent à interroger ensemble et à dynamiter. Déserter la place de l'artiste autonome, surplombant, celui qui sait et fait l'opinion. Revendiquer la place de l'ouvrier-théâtre, le 'théâtrier', dans un territoire. Vivre et travailler avec. Dans ces lieux de la marge, petites villes, campagnes, banlieues, où vivent tous ceux qui partagent le concret de la vie. Hors des mégalopoles culturelles qui ne sont plus que des vitrines pour les industries du divertissement, réinvestir les quartiers, les espaces périphériques, les interstices. Inventer ensemble une culture de la lutte. ► Un théâtre de la démocratie en action La démocratie n'est jamais acquise. L'histoire nous l'a démontré plus d'une fois et nous le montre encore. Elle ne peut exister sans être sans cesse questionnée, remise en cause, travaillée au corps par les hommes. Pour cela, chacun doit pouvoir comprendre comment notre démocratie a fonctionné et comment, aujourd'hui, elle fonctionne. Quels en sont les rouages ? Qui dispose du pouvoir ? Qui en est exclu ? C'est à cette condition que chacun peut être partie prenante du monde dans lequel il vit, que chacun peut être réellement citoyen. Sans une éducation politique, sans une mise en questionnement, en débat, du monde, il ne peut y avoir de fondement stable, de ciment à notre communauté humaine. « Les œuvres d'art, mais pas seulement, sont ou devraient être le miroir réfléchi et réfléchissant, qui permette à la société de se regarder, conforter le vivre-ensemble et se mettre constamment en question », écrivaient Francis Peduzzi et Alain Grasset. Nous les suivons entièrement dans cette voie. Le théâtre permet, par la représentation vivante des échanges humains, de décortiquer, d'appréhender, de ressentir, de comprendre, d'analyser ce qui fait les hommes et leurs société. Le théâtre, quand il est bien fait, rend la complexité des sociétés, des relations que nous entretenons avec les autres, mais aussi avec nous-mêmes, notre intimité, nos états d'âme. Il met à nu, comme le chirurgien dissèque un corps, les maillages, les rouages qui inhibent, qui annihilent, qui détruisent le collectif. Ce faisant, il éveille à la conscience politique, celle qui donne le sentiment d'appartenir au groupe, celle qui fait citoyen, avec l'envie de vivre ensemble et d'agir sur le monde et avec le monde. Cela n'exclue pas les moments de colère, de clash, d'incompréhension, de crise. Cela les transforme en énergie agissante. Tant de questions Mais alors, nous nous interrogeons. Forts de nos expériences, forts des rencontres avec d'autres qui, sur d'autres territoires, mènent des expériences similaires, et face aux problématiques que nous affrontons, nous nous demandons. Que peut être, que doit être aujourd'hui un théâtre que l'on pourrait qualifier de 'démocratique', à défaut de 'populaire' (terme qu'il faudrait interroger et préciser) ? Quel rôle une compagnie a-t-elle à jouer dans un territoire ? Quel dialogue peut-elle nouer avec la diversité de ceux qui y vivent et/ou y agissent ? Comment le théâtre se nourrit-il de la société et que produit-il sur cette même société ? Quelle place occupe-t-il et quelle relation entretient-il avec l'industrie de divertissement ? Et de cette interrogation fondamentale en découle tant d'autres. Il nous faut en pratique, prendre en considération et tricoter ensemble trois approches indissociables. ► Une approche sociologique qui vient questionner la capacité d'un théâtre dit 'populaire' à nouer une relation avec l'ensemble d'une population dans un contexte donné Comment fabriquer un théâtre qui ne s'adresse pas à un groupe sociologique donné mais à tous, en rendant possible des échanges, des confrontations ? Comment aborder cette question du 'mélange' des publics, pouvoir intéresser à la fois les spectateurs 'traditionnels', les 'assidus' des lieux de diffusion et mais aussi tous les autres, ceux qui ne vont jamais au théâtre et parmi eux, ceux qui ne pensent pas comme nous.
► Une approche politique qui vient réinterroger le théâtre dans ses liens à la pratique démocratique
►Une approche esthétique qui pose la question des langages et des formes, mais aussi des lieux et des temps de la représentation, de la transmission, du rapport aux pratiques amateurs...
III – Une réflexion et que nous souhaitons collective et qui doit déboucher sur des actions concrètes Toutes ces questions, nous souhaitons les partager avec d'autres. Nous souhaitons les confronter aux regards, aux expériences, aux pratiques d'autres. Nous souhaitons les nourrir de la parole de nos pairs, metteurs en scène, comédiens, mais pas seulement. Représentants des politiques et institutions culturelles, mais aussi acteur du monde de l'action sociale, de l'éducation populaire, citoyens, aguerris ou non au spectacle vivant, le chantier est ouvert pour ensemble construire et défendre notre théâtre. Il nous semble aujourd'hui indispensable et urgent de prendre la parole, de produire un argumentaire pour défendre et faire valoir un théâtre 'démocratique', en dialogue et en interaction permanente avec les populations dans les territoires. Mais nous ne voulons pas produire une contribution de plus. Si nous portons une ligne politique claire, si nous souhaitons l'affiner, l'amender, la partager, c'est avant tout du concret que nous voulons construire : des façons de faire, des façons d'être.
2 Commentaires
30/10/2022 17:15:09
Available specific industry president. Recently sea commercial throw sit. Describe view party arm. Than he to and.
Répondre
Laisser un réponse. |
AuteurAlain Duclos Archives
Janvier 2019
Categories |