Stanislas Nordey : « L’Etat subventionne d’abord le spectateur »
Propos Recueillis Par F. Da. Nommé au printemps 2014 directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), Stanislas Nordey a pris ses fonctions en septembre 2014. Son mandat actuel court jusqu’en septembre 2019, mais le ministère devrait annoncer rapidement son renouvellement, au vu de la reconnaissance dont fait l’objet son action à la tête de l’institution alsacienne. Pourquoi avoir choisi de ne pas commémorer les 50 ans du TNS, mais plutôt d’envisager l’avenir ? En octobre 2017, j’ai participé aux manifestations pour les 70 ans de la décentralisation théâtrale à Colmar, et j’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de funèbre et d’inquiétant dans ces célébrations. Je me suis dit qu’il serait sans doute plus enthousiasmant, aujourd’hui où nous souffrons dans nos métiers d’une absence de politique de l’Etat, de prospective, de se projeter dans l’avenir, et de le faire de manière collective. Et de se projeter à 50 ans, la même durée que celle qui est passée pour ce théâtre. Et puis 2068 résonne évidemment avec 1968, et son parfum d’utopie. Vous a-t-il a semblé nécessaire de mener cette réflexion de manière collective ? Oui, en compagnie du personnel du théâtre, des élèves de l’école du TNS, qui ont entre 18 et 25 ans et vont donc inventer le théâtre de demain, des artistes, des spectateurs et même des « non-spectateurs », ceux qui ne viennent pas au théâtre. J’avais envie de solliciter tout le monde sur une part de réel mais aussi d’imaginaire. L’enjeu, l’ambition, c’est d’inventer un outil qui ne serve pas uniquement au TNS, mais à l’ensemble du théâtre public. Que l’on apporte notre pierre à cette réflexion sur la décentralisation qu’il va falloir mener, et que cette première pierre soit posée par le seul théâtre national installé en région, il me semble que cela a un sens. Beaucoup de jeunes artistes de théâtre d’aujourd’hui semblent rejeter l’institution. Comment l’expliquez-vous ? En même temps, je sursaute quand j’entends les Julien Gosselin, Sylvain Creuzevault ou Caroline Guiela Nguyen dire qu’ils ne veulent pas de l’institution. Car ils en sont les enfants, ils ont été nourris par elle. J’ai donc plutôt envie de les pousser à être une force propositionnelle, qu’ils réfléchissent à la manière de faire évoluer ces outils. C’est important qu’ils se rendent compte du pouvoir qu’ils ont de faire avancer ces institutions inventées dans l’après-guerre. En quoi ces outils peuvent-ils être encore valides ? Jean-Pierre Vincent, qui a dirigé cette maison de 1975 à 1983, dit une chose que je trouve formidable : que tous ceux qui critiquent la décentralisation en affirmant un peu vite qu’elle s’est endormie oublient ce qu’était le théâtre en 1945. On reproche au théâtre aujourd’hui d’être principalement investi par les classes moyennes, et pas par les classes populaires. C’est un constat réel, mais on oublie qu’avant, les classes moyennes n’allaient pas dans le théâtre d’art. Ce qui s’est gagné dans ces cinquante ou soixante dernières années, c’est cela, et c’est quand même une victoire énorme. Ce système du théâtre public français est-il menacé ? Oui, c’est une évidence : il règne en ce moment une certaine illusion qui voudrait que l’on puisse accomplir le même travail dans un système privé, ce qui est tout simplement faux. On oublie souvent de dire que quand l’Etat subventionne la culture, il subventionne d’abord le spectateur, avant les artistes. Il faut donc être inventif, pour adapter ces outils précieux à l’évolution du monde.
3 Commentaires
7/10/2022 07:28:52
Laugh cultural pretty necessary administration likely. Much test level eat forward single old citizen. Help business Mrs generation region.
Répondre
Laisser un réponse. |
AuteurAlain Duclos Archives
Janvier 2019
Categories |